Tsukiko était un peu nerveuse, et ça se comprenait. Elle ne pouvait s'empêcher de faire les cent pas dans la pièce, jetant toujours des coups d'oeil par la fenêtre, donnant sur le jardin. Aujourd'hui, elle allait avoir une colocataire, et c'était pour elle une chose extrêmement stressante, après tout, elle était connue pour avoir réussi à faire s'enfuir plusieurs personnes – et encore aujourd'hui, elle n'avait pas le droit de s'approcher de Yukari a moins de dix mètres…
Chihiro Fushimi, une personne très respectable et ô combien intéressante, avec une personnalité ferme et tendre à la fois, le genre de personnalité qu'on a envie de prendre en main et de ne jamais lâcher !
Mais hors de question de se laisser distraire, bientôt, bientôt, oui, ce sera le temps de la seconde chance, de pouvoir se racheter, et de découvrir quelqu'un avec une personnalité encore plus grande et du genre à ne pas se laisser faire ! Sinon, quel intérêt, après tout, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !
Cela faisait une dizaine de minutes que la jeune femme attendait devant la fenêtre, d'où elle pouvait voir des personnes arriver, mais toutes les filles qui passaient, elle les connaissait déjà, certaines plus que d'autres, et il lui fût difficile parfois de se retenir de descendre pour aller les saluer, de la seule façon qu'elle savait faire, bien sûr.
Mais elle ne pouvait pas se laisser distraire – bientôt, quelqu'un allait rentrer dans la chambre… Et elle avait déjà demandé à certaines de ses amies de lui dire la bonne fortune, et de ce qu'elle savait, la personne qui allait rentrer dans la chambre allait se montrer assez indépendante, et c'est ça qui était bien.
Le temps commençait à se faire long… Il était rare qu'il se passe plus de cinq minutes sans que Tsukiko ne bouge… Ou ne pique un somme, aussi, peut-être bien devrait-elle faire ça. Après tout, quand sa colocataire entrerait, elle serait sûrement réveillée, et elle n'aurait qu'à être prête à réagir.
Non, il ne fallait pas qu'elle soit distraite, même pas par ses propres pensées, il fallait qu'elle reste éveillée et en pleine possession de ses moyens pour le moment fatidique. Pourquoi au juste ? Quelle question difficile – et stupide, surtout, pourquoi se la poser à soi-même ? Après tout, le coeur a ses raisons que la raison ignore, ne dit-on pas ?
Non, on ne le dit pas. C'est le genre d'expressions que seuls les vieux utilisent encore. Et Tsukiko était loin d'être vieille – oh que oui, elle avait beau avoir redoublé une fois, peut-être, elle n'en était pas moins jeune !
Tiens, quelqu'un toquait à la porte. En s'y approchant d'un pas vif, et en regardant à travers le judas, elle se rendit compte que c'était bien une femme qu'elle ne connaissait pas… Et qui portait un masque pour le moins étrange – elle n'en avait jamais vu de tel, sauf peut-être dans des vide-greniers de vieilles personnes étranges, qui vendaient des choses… Comment les appelaient-ils, déjà ? Ah oui, Vaudous.
Et à peine le poing triomphant dressé vers le ciel, la porte s'ouvrit, laissant s'afficher une fille masquée – les filles mystérieuses sont généralement les plus intéressantes – qui ne parlait pas beaucoup, se tenant dans l'encadrement de la porte, une valise dans sa main et un couteau dans l'autre – attendez, un couteau ?
« - Temps mort ! Temps mort ! »
Reculant à pas rapide, Tsukiko butait bien vite dans son lit, l'arrêtant net et la forçant à faire face à la jeune femme qui posait tranquillement ses affaires de son côté, lui tournant entièrement le dos… Et là, les instincts de la jeune perverse prirent le dessus sur sa raison, et elle prit un appui sur son lit, ses yeux s'illuminant d'une lueur rouge digne d'un prédateur, ses jambes se fléchissant et ses yeux se fixant. Au bout de quelques secondes d'inaction, elle bondit à l'attaque, se saisissant par surprise des joyaux qu'elle pouvait voir, même si cela ne durait pas longtemps, puisque la nouvelle venue n'eût aucun problème à la dégager, retournant par la même occasion son poignet pour l'avoir bien en vue et s'assurer qu'elle ne fasse rien d'autre, restant sur ses gardes autant que possible, ayant attrapé de l'autre main son couteau, mais le gardant relativement loin d'elle.
« - … Qui es-tu ? »
La question était relativement courte et posée avec une certaine insistance, et ce n'était pas la douleur qui lui tirait le poignet qui allait empêcher la séductrice en carton de faire son petit jeu – une chose qu'elle connaissait sur le bout des doigts pour l'avoir tenté sur la plupart des filles du coin, au point même où ça en était devenu un cliché.
« - Tu n'as pas besoin de savoir qui je suis, juste que je Toki renforçait sa pression sur le poignet de la récalcitrante – Aïe ! – Pas la peine d'être aussi brutale, ma puce – Aïeuh ! – Je suis Tsukiko, ta coloc… »
Après avoir entendu ceci, l'autre personne – visiblement satisfaite, la lâchait avant de se retourner vers ses bagages, se retournant visiblement pour dire quelque chose, juste à temps pour remarquer qu'elle était sur le point de repartir à l'attaque, faisant lever par réflexe son pied qui vint se loger dans la mâchoire de sa nouvelle amie qui s'étalait aussitôt sur son lit sous la force de l'impact.
